Faisons nous ce qui est important ?

Stop ! Arrêtez de courir !

De prime abord, je serai tenté de dire qu’il n’y a pas de vie intérieure, que la vie intérieure n’existe pas. La vie n’est ni intérieure, ni extérieure, elle est. Mais le paradoxe est trop facile. Je pense que l’une des premières données de ce que l’on appelait jadis et que l’on continue d’appeler la vie intérieure est un état de réponse à un léger choc venu du dehors. C’est une sensibilité ultra développée, un appel extrêmement tenu, infime, subtil.

Christian BOBIN - À la recherche de la vie intérieure

La vie intérieure, c’est tout ce dont nous prenons conscience lorsque nous désengageons doucement notre attention des sollicitations extérieures. Nous réalisons alors que nous avons un corps, que nous respirons, que des sensations nous traversent, agréables ou désagréables, que des émotions, des pensées nous habitent.

La vie intérieure, c’est l’espace où tout se mélange, le dehors et le dedans car notre vie du dedans n’est pas une bulle coupée du dehors et la frontière qui sépare les deux, si elle existe, est poreuse.

La vie intérieure fonctionne à bas bruit, faite de tout ce qui, spontanément, n’attire pas notre attention ; souvent, les choses importantes s’accomplissent dans le secret et le silence.

Et nous devrions faire plus souvent l’effort de distinguer l’urgent de l’important.

L’urgent, c’est ce qui nous tire par la manche et nous vaudra une sanction si nous ne le faisons pas : travail, tâches matérielles, vie sociale et autres engagements nécessaires. Nous lui donnons donc la priorité.

Mais du coup, nous n’avons plus de place pour l’important qui souvent demande du temps et du discernement : marcher dans la nature, rencontrer les personnes qu’on aime, méditer, faire ce qui nous tient à cœur…

Nous passons ainsi à côté de l’essentiel, et au fil des ans, le manque se creuse car nous faisons des choses urgentes, mais plus rien de ce qui est important. Il faut alors une maladie, un accident ou une crise pour nous réveiller. Et à ce moment-là, c’est notre vie intérieure qui va nous aider, et peut-être nous sauver en nous révélant ce que nous sommes et ce qui compte vraiment dans nos vie, ce pourquoi nous sommes là.

La vie intérieure, c’est la partie immergée du fonctionnement de notre esprit.

Immergée mais pas impénétrable. Les voix d’accès sont multiples au travers d’efforts à accomplir comme l’introspection, la méditation ou la marche à pied. D’autres accès naissent à l’occasion de moments révélateurs, certains bouleversant comme l’expérience de la mort d’un proche, certains anodins comme boire quelques verres de vin.

Enfin, la vie intérieure se nourrit de l’attention prêtée au murmure de nos âmes. Si nous prenons le temps, nos bonheurs et nos souffrances, nos joies et nos colères nous en diront beaucoup sur nous-mêmes et sur la manière dont nous menons nos vies.

La connaissance de notre vie intérieure ne nous rendra pas plus efficace ni performant. Si c’est seulement cela que nous cherchons, il y a mieux à faire, ailleurs. Mais elle approfondira en nous le goût de la vie et elle nous rendra plus humain.

Vous sentez-vous humain lorsque vous n’avez même plus le temps de vous arrêter pour réfléchir, pour ressentir, pour respirer, pour regarder, pour exister ? Lorsque vous ne faites que travailler, consommer, vous agiter en tout sens, vous sentez-vous humain ou zombie ou robot ?

Au sujet de la vie intérieure, Christian Bobin dit encore « En entrant dans ce royaume, il faut quitter les références au monde extérieur où tout est régi par la folle existence de l’efficacité. Là, il ne s’agit plus de faire une chose en vue d’une autre, mais de sentir le passage de la vie en nous. »

Cela vous intéresse de sentir le passage de la vie en vous ?

Texte de Christophe André. Chronique de France Culture

 

Publié le : 26 octobre 2017

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